
Il est l’un des noms emblématiques du rap belge. D’abord ingé son, puis rappeur, fondateur du Jeune Club, Krisy symbolise la polyvalence et l’indépendance. L’artiste s’est produit pour la première fois à Marseille, à l’Espace Julien. Son public a découvert en exclusivité son prochain projet Edward Risky. L’occasion pour Lyrics Spacee de le rencontrer après son show.
Pour ta première tournée, tu as fait le choix de faire découvrir en avant-première des morceaux de ton prochain projet Edward Risky. Comment t’est venue l’idée ?
Généralement, les artistes sortent leur album puis partent en tournée. Moi, je n’avais pas forcément envie de me mettre de pression. Jusqu’ici, mes seuls concerts étaient à Bruxelles (BX) et Paris. D’autres villes ne m’avaient jamais vu sur scène. Il fallait que je leur donne ce que j’avais donné à Paris et BX.
Pour cette tournée, le public a eu droit aux nouveaux sons en exclusivité.
Tu cherchais un moment de partage avant tout ?
Des gens m’écoutent depuis 2016/2017 et ne m’avaient jamais vu. C’est fou ! J’étais obligé de venir, de rester jusqu’à la dernière personne pour les photos et les dédicaces. C’est trop important pour moi.
« J’aime bien les salles comme aujourd’hui, parce que je suis plus proche de mon public. »
Et cette première fois à Marseille ?
J’aime bien les salles comme aujourd’hui, parce que je suis plus proche de mon public. Je ne connaissais pas trop la ville, mais franchement, je ne pouvais pas avoir meilleur souvenir. Il faut absolument que je revienne, en dehors des concerts, juste pour m’y balader. Les gens sont plus accueillants dans le Sud. Il y a une ambiance similaire à Barcelone que j’aime beaucoup.
Pourquoi avoir dévoilé la setlist avant la tournée ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question. On m’a dit d’envoyer la setlist, j’ai répondu : « Ouais, why not ! ». Finalement, le public a pu étudier les morceaux. Mais je trouve qu’il y a quand même un effet de surprise, parce que tu ne connais pas l’enchaînement.
Tu as vu une différence sur scène ?
Aujourd’hui à Marseille, hier à Vénissieux… Ça chantait fort ! Le public a bien étudié (rires), surtout les cinq premières rangées. Parfois, ça m’a perturbé, parce que je les entendais aussi. Quand ils se trompaient, je me trompais…
C’est quoi, tes inspirations dans le rap ?
J’ai d’abord été inspiré par la source : le rap américain. Toute la vibe d’Alchemist et de Freddie Gibbs. Mais aussi Tyler, The Creator, Kendrick Lamar, J. Cole, Roc Marciano, Larry June…
J’ai découvert le rap francophone vers mes vingt ans. Les premiers à m’avoir inspiré, c’est le trio Booba, La Fouine et Rohff.
D’où vient ta direction artistique si particulière ?
Dès qu’il y a du sens dans ma création, je ne me demande pas ce que les gens vont en penser. Sauf si on me le demande (rires). Il y a toujours une explication.
Je fais aussi de la photo et de la vidéo. Je ne me prends pas la tête, je kiffe.

« Je suis Congolais. Mon pays a été colonisé par la Belgique, donc l’indépendance me colle un peu à la peau. Pour moi, détenir ce que tu crées, c’est essentiel. »
L’indépendance, pour toi, c’est très important ?
Je suis Congolais. Mon pays a été colonisé par la Belgique, donc l’indépendance me colle un peu à la peau. Pour moi, détenir ce que tu crées, c’est essentiel. Quand je regarde le Congo, une partie ne nous appartient plus. Et pourtant, de nombreuses choses en Belgique appartiennent au Congo…
Inconsciemment, si je crée, je veux que ça m’appartienne.
Tu pratiques aussi le journaling. En quoi ça t’aide au quotidien ?
J’ai une vie complètement différente de celle de mon entourage. Parfois, ils ne comprennent pas ce que je vis. Alors, mes façons de leur expliquer, c’est à travers le son… et le journaling.
Je vois une psy aussi. J’ai lancé ma série de podcasts « Mesmots, mesmaux, mémo ». Quand j’ai la flemme d’écrire, je prends le micro.
« Mon rêve, c’est de faire une comédie musicale. Je n’en connais pas version rap. »
Tu avais annoncé Euphoria avec une bande dessinée. Pour Edward Risky, ce sera un film ?
Pas vraiment un film, faute de budget, mais on s’en rapproche. Mon rêve, c’est de faire une comédie musicale. Je n’en connais pas version rap. J’ai grandi avec Grease et High School Musical.
On fera peut-être sans la partie danse (rires). C’est mon but ultime.
Tu serais dedans ?
Quand je crée, je ne suis pas forcément attaché au fait qu’on me voie. Le but, c’est de faire un beau projet. Ça ne m’intéresse pas qu’on dise que j’ai tout fait.
Est-ce que ça te manque un peu d’être dans l’ombre ?
Un peu quand même. Je suis un casanier : je vais au Club, je regarde mes DVDs et mes films. Je ne vois pas trop la lumière.
J’aime beaucoup voyager. En Angleterre ou à Amsterdam, on ne me reconnaît pas forcément. Je ne ressens pas la célébrité.
Mais c’est différent dans les pays francophones.
« Quand tu es sincère dans tes textes, il y a forcément quelqu’un qui a le même vécu. Pas forcément au même âge. »
Tu as des sons qui datent de 2017, et pourtant ton public reste assez jeune. Comment tu l’expliques ?
Quand tu es sincère dans tes textes, il y a forcément quelqu’un qui a le même vécu. Pas forcément au même âge.
À 14, 16 ou 18 ans, un morceau peut te parler. Ce que je crée, ce n’est pas un produit. Je n’attends pas de retour sur investissement immédiat.
Un son peut péter dix ans plus tard, parce qu’une génération va se reconnaître dedans.
Tu as mis près de dix ans pour faire Euphoria. Tu bosses sur Edward Risky depuis longtemps aussi ?
Le nouveau projet m’a pris un an, au total. Je n’avais pas envie de mettre autant de temps que pour Euphoria.
Je n’ai pas fait vingt-deux sons comme dans le projet précédent. Comme je fais tout le temps du son, ça a été très rapide. J’avais déjà mon histoire.
Quand tu as invité Marc Lavoine sur Euphoria, tu voulais créer une tendance ?
Je ne me suis pas dit que j’allais révolutionner le rap. J’avais deux artistes en tête : Julio Iglesias et Marc Lavoine.
C’était compliqué avec Julio, à cause de la distance. Avec Marc, on a le même manager, donc c’était plus simple. Il a kiffé direct.
C’était aussi un clin d’œil à ma mère. Pour elle, Marc Lavoine, c’est Chris Brown !
Des collaborations inattendues sur Edward Risky ?
Je me suis vraiment amusé avec les miens sur ce projet. Ce sont des artistes de chez moi, de BX.
Il n’y a personne que je ne connaisse pas vraiment. Tout est fait maison, par le Club.
Il y aura peut-être une collaboration avec un artiste français…
Un indice sur la date de sortie ?
Surprise. Mais j’espère pour les fêtes de fin d’année.
Propos recueillis par Etienne Diallo et Ivanie Legrain
